En
First, the smell. That of burning incense. And then the cacophony that rises before we even see the perpetrators of this tumult. We approach with soft footsteps, as if moved to enter the revived lands of Fantasia. Here, an enigmatic face seems imprisoned within an equally fanciful architecture; there, a mosaic base on which rests a ceramic totem. Breaking the silence, drawings and sculptures seem to have much to say. If we listen closely, we can almost hear the works chattering among themselves, participating in a story that is both plural and shared. Perhaps they are mocking us, with our eyes wide open. We are almost in the way. So we fall silent and listen. These distinctive voices emerge from a constant back-and-forth between mediums, where drawings and ceramics echo each other, where clay and paper blend to create the hybrid universe of Ellande Jaureguiberry (born in 1985, lives and works in Paris). The artist prefers complicity and encounter to dualism. Animal and plant, organic and ornamental forms, evocations of the feminine and the masculine, of gentleness and violence, merge and evoke a mystical and mythical elsewhere. Animist creatures and abstract architectures are freely inspired by myths and science fiction stories. Together, they are the protagonists of a story imbued with tenderness and a shy sensuality.
At the origin, there is drawing. Drawings where, within the constrained format of a sheet of paper, Ellande imagines complex graphic compositions. In the hollows of these landscapes that appear like windows onto an elsewhere beyond all definition, strange creatures seem to observe us. We can see a profile as if cut out of paper, a nose floating at the edge of a frame within the frame, or even enigmatic forms that could recall those of a male genitalia. These are the same fragments that we find in the artist’s sculptures. Initially imprisoned in the drawing, they appear here as parts of the body ready to leap out of the wall. The artist’s sculptures constitute a collection of objects that recall the animal, the human as much as the plant, the virus, the pathogenic body. Suspended on the wall or placed on the ground, their extravagant, almost soft forms denote with the accuracy of the structures found in Ellande’s drawings. This incessant back and forth between one and the other of the artist’s two preferred mediums resonates in several ways in his practice. Ellande approaches drawing through volume, with a preliminary stage during which he carves the shapes in wood that will later serve as structures for his drawings. This step allows him to work on the shadows and reliefs that he will then reproduce in pencil. He handles a pencil like a sketcher, in a drawing that becomes a sculpture where, on the flat surface of the sheet, textured forms appear in a play of superpositions. In his sculptures, too, the artist explores the possibilities offered by the material, which he prefers to be malleable, like clay, earth, or plaster. His approach reveals a certain corporeality of the material, reflected in the choice of soft and fluid materials, and in the very appearance of the works, imbued with the artist’s gestures. Their aesthetic also recalls that of a primitive art from a lost civilization. Ellande’s ceramics are studded with incense sticks, blades of grass, or adorned with piercings. They sometimes take the form of sacred temples perched atop mosaic pedestals, sometimes the shape of creatures with a resolutely mystical aura. Ceramics that have become totems of an unknown cult. They are the conduits from one world to another, the guides of the initiatory rite to which Ellande invites us, whose artistic practice is tinged with spiritualism. On paper, too, the geometric compositions evoke mental structures. Like architectures of thought, they draw us between abstraction and figuration, into the confines of our imagination.
Lost in a vaporous meditative state, we wander through psychic landscapes. The cacophony becomes more audible. As we progress through the image, as we slip through the cracks in the paper, we are joined by the characters of a story being written. At first fearful and hidden in the architectures of earth or paper, they now accompany us in our exploration of Ellande Jaureguiberry’s elsewhere. They brush against us, caressing us with their presence. Their words resonate within us. The words of an unknown language, that of the artist’s inner myths, which it is up to us to decipher.
Fr
D’abord l’odeur. Celle de l’encens qui brûle. Et ensuite la cacophonie qui s’élève avant même d’apercevoir les auteurs de ce tumulte. À pas feutrés on s’approche, comme ému.es de pénétrer sur les terres ranimées de Fantasia. Ici un visage énigmatique semblant prisonnier d’une architecture tout aussi fantasque, là un socle en mosaïque sur lequel repose une céramique-totem. Brisant le silence, dessins et sculptures semblent avoir beaucoup à dire. À tendre l’oreille, on pourrait presque entendre les œuvres jacasser entre elles, participant à une histoire à la fois plurielle et commune. Peut-être se moquent-elles de nous, avec nos yeux grands ouverts. On serait presque de trop. Alors on se tait et on écoute. Ces voix si particulières proviennent d’un aller-retour incessant entre les médiums, où dessins et céramiques se répondent, où terre et papier se mêlent pour composer l’univers d’hybridation qu’est celui d’Ellande Jaureguiberry (né en 1985, vit et travaille à Paris). Au dualisme, l’artiste préfère la complicité, la rencontre. Formes animales et végétales, organiques et ornementales, évocations du féminin et du masculin, de la douceur et de la violence se confondent et évoquent un ailleurs mystique. Et mythique. Créatures animistes et architectures abstraites s’inspirent librement de mythes et des récits de science-fiction. Ensemble, elles sont les protagonistes d’un récit empreint de tendresse et d’une sensualité timide.
À l’origine, il y a le dessin. Des dessins où, dans le format contraint de la feuille de papier, Ellande vient imaginer des compositions graphiques complexes. Dans les creux de ces paysages qui apparaissent comme des fenêtres vers un ailleurs hors de toute définition, d’étranges créatures semblent nous observer. On peut apercevoir un profil comme découpé dans le papier, un nez flottant au bord d’un cadre dans le cadre, ou encore des formes énigmatiques pouvant rappeler celles d’un sexe masculin. Ce sont ces mêmes fragments que l’on retrouve dans les sculptures de l’artiste. D’abord emprisonnés du dessin, ils apparaissent ici comme des parties du corps prêtes à bondir hors du mur. Les sculptures de l’artiste constituent une collection d’objets qui rappellent l’animal, l’humain tout autant que le végétal, le virus, le corps pathogène. Suspendues au mur ou posées au sol, leurs formes extravagantes, presque molles, dénotent avec la justesse des structures que l’on retrouve dans les dessins d’Ellande. Cet aller-retour incessant entre l’un et l’autre des deux médiums de prédilection de l’artiste raisonne de plusieurs manières dans sa pratique. C’est d’ailleurs par le volume qu’Ellande aborde le dessin, avec une étape préliminaire durant laquelle il sculpte dans le bois les formes qui serviront ensuite de structures à ses dessins. Cette étape lui permet notamment de travailler les ombres et les reliefs qu’il viendra ensuite reproduire au crayon. Un crayon qu’il manie comme un ébauchoir, dans un dessin devenu sculpture où, sur la surface plane de la feuille,
apparaissent des formes texturées dans un jeu de superpositions. Dans ses sculptures aussi, l’artiste explore les possibles offerts par la matière, qu’il préfère malléable à l’instar de l’argile, la terre ou le plâtre. On retiendra de son approche une certaine forme de corporalité de la matière qui se retrouve dans le choix de matériaux mous et fluides, et dans l’aspect même des œuvres, empreintes de la gestuelle de l’artiste. Leur esthétique rappelle par ailleurs celle d’un art primitif provenant d’une civilisation perdue. Les céramiques d’Ellande sont piquées de bâtons d’encens, de brins d’herbe ou parées de piercings. Elles prennent tantôt la forme de temple sacré perché en haut de socles de mosaïque, tantôt la forme de créatures à l’aura résolument mystique. Des céramiques devenues totems d’un culte inconnu. Elles sont les passeuses d’un monde à un autre, les guides du rite initiatique auquel nous invite Ellande, dont la pratique artistique se teinte de spiritualisme. Sur le papier aussi, les compositions géométriques évoquent des structures mentales. Telles des architectures de la pensée, elles nous entraînent entre abstraction et figuration, dans les confins de notre imaginaire.
Perdus dans un état méditatif vaporeux, on déambule alors au sein de paysages psychiques. La cacophonie se fait plus audible. À mesure que l’on progresse dans l’image, que l’on glisse entre les fissures du papier, nous sommes rejoints par les personnages d’un récit en train de s’écrire. D’abord craintifs et dissimulés dans les architectures de terre ou de papier, ils nous accompagnent désormais dans notre exploration de l’ailleurs d’Ellande Jaureguiberry. Ils nous effleurent, nous caressent de leur présence. En nous résonnent leurs paroles. Les paroles d’une langue inconnue, celle des mythes intérieurs de l’artiste, qu’il ne tient qu’à nous de déchiffrer.