Artificial Paradises
MAY 11 — JUNE 10, 2023
DUO SHOW WITH
ELLANDE JAUREGUIBERRY and MATHILDE LESTIBOUDOIS
En
Ellande Jaureguiberry’s works on paper assert a Baroque aesthetic. The series Still Lifes and Fruits of the Earth, through drawn frames evoking both windows and keyholes and stimulating our voyeurism, exhibit fragments of bodies, nipples, navels, and breastplates, adorned with shapeless jewelry made from pieces of clay kneaded with fingertips, fruits, or plants. These compositions, blending geometric and organic motifs, reflect the artist’s sculptural practice.
Created from bas-reliefs made from wooden boards or foam board, personal photographs, and scraps of chamotte clay, they leave the assembly process clearly visible, precisely reproducing the shadows highlighting the volumes and cutouts. While the artificial nature of these agglomerations of references is acknowledged, it cannot be the sole driving force. Indeed, they result as much as they transfigure the domestic practice of collecting, through which souvenirs accumulate on the dresser, preserving the trace of life’s moments.
Ceramics, created in parallel, reveal ambivalent, familiar, and abstract forms. Although acting as sculptures, they acquire a function supporting fresh fruit. They present themselves as strange vernacular objects, reminiscent of vases, display stands, even votive offerings whose wishes remain unspoken. The artist’s works can thus be considered under the yoke of still life, silently freezing the still-desirable image of what will soon be no more.
The soft hues favored by Ellande Jaureguiberry, contrasted with stark, artificial light, evoke a similar uncertainty. The illusionism of the representations and their depth are also called into question. The gradient backgrounds of the oils on canvas, like the grain of the colored sections of the drawings, evoke surface effects. The works of the two artists thus juxtapose « in a real place several spaces that would normally be incompatible. » They encourage us to project ourselves through this « heterotopic » layering to unfold multiple possible narratives.
Fascinating, perhaps distressing, the depicted scenes reinvest reality through the imagination. Echoing Baudelairean prose, the idea is to consider that perhaps « true reality is only in dreams. »
Fr
Les œuvres sur papier d’Ellande Jaureguiberry affirment une esthétique baroque. Les séries des Natures Mortes et des Fruits de la terre, à travers des encadrements dessinés évoquant tant la fenêtre que la serrure et aiguisant notre voyeurisme, expose des fragments de corps, tétons, nombrils ou plastrons, ornés de bijoux informes faits de morceaux d’argile malaxés du bout des doigts, de fruits ou de végétaux. Ces compositions mêlant des motifs géométriques et organiques répondent à la pratique sculpturale de l’artiste.
Réalisées à partir bas reliefs constitués de planches de bois ou de carton plume, de photographies personnelles et de chutes de terre chamottée, elles laissent le processus d’assemblage clairement visible, reproduisant avec précision les ombres soulignant les volumes et les découpes. Si le caractère artificiel de ces agglomérats de références est assumé, il ne saurait en être l’unique moteur. En effet, ils résultent tout autant qu’ils transfigurent la pratique domestique de la collection par laquelle des souvenirs s’accumulent sur la commode conservant la trace de moments de vie.
Des céramiques, réalisées en parallèle, dévoilent des formes ambivalentes, familières et abstraites. Bien qu’agissant comme des sculptures, elles acquièrent une fonction supportant des fruits frais. Elles s’offrent tels d’étranges objets vernaculaires, rappelant des vases, des présentoirs, voire des ex-voto dont les vœux restent tus. Les œuvres du plasticien peuvent alors s’envisager sous le joug de la nature morte, figeant silencieusement l’image encore désirable de ce qui bientôt ne sera plus.
Les teintes douces privilégiées par Ellande Jaureguiberry, contrastées de lumières franches et artificielles appellent une même incertitude. L’illusionnisme des représentations et de leur profondeur est également mis en doute. Les fonds en dégradé des huiles sur toile, comme le grain des pans colorés des dessins renvoient le regard à des effets de surface. Les œuvres des deux artistes juxtaposent ainsi « en un lieu réel plusieurs espaces qui, normalement, devraient être incompatibles ». Elles nous incitent à nous projeter à travers ce feuilletage « hétérotopique » afin d’y déployer de multiples narrations possibles.
Fascinantes, peut-être angoissantes, les scènes figurées réinvestissent le réel par le biais de l’imaginaire. Dans l’écho de la prose baudelairienne, il s’agirait alors d’envisager que [peut-être] « la vraie réalité n’est que dans les rêves ».